Ibn Khaldoun. Concert de Leny Escudero
Raconter une chanson comme un bon ouvrier
Une voix de merde » (c’est lui-même qui le dit) et un look de « camé » aux cheveux longs.
Leny Escudero n’est pas le prototype du boy de scène. Il faut le chercher sur un autre registre.
Figure emblématique mais pas trop des années soixante en
France, il était lundi dernier à la salle Ibn Khaldoun
à Alger.
Leny se présente comme le diable et, sur la scène, il est
monté plaider pour les coupables. Une guitare et une basse
électrique pour compagnons, Escudero convoque ses souvenirs, ses
histoires à lui, toutes d’amour, dont l’une est
dédiée à B. B., une autre icône qui «
aime tant les bêtes et si peu les gens ». Enfant de la
guerre d’Espagne, qui a fait se déplacer ses parents en
France, il sait et raconte « le siècle des
réfugiés... toujours étonnés
d’être en vie ». Il sait qu’« on ne
choisit pas son camps lorsqu’on a le bout d’un fusils dans
les reins »... L’auteur de Pour une amourette et Ballade
à Sylvie, des chanson qui l’ont placé sur le hit
des marginaux « soixante-huitards » rappelle Les Marins de
Belleville, quartier en fête du XXe à Paris, qui
s’en vont à Deauville « engourdir la mer »
là où « au creux de chaque vague, l’âme
d’un gitan qui joue de la guitare ». Une soirée avec
Leny est de celles où l’air sent bon, même
s’il est beaucoup question de « pisse ».
L’homme raconte ses chansons comme le ferait un bon ouvrier. A la
truelle ou à la pelle, le plus important c’est que le
travail soit fait. Et quand c’est fait, on retrouve le
mosaïste qu’il était avant de s’y mettre,
à la chanson, cet univers dans lequel il s’est
lancé un peu par défi. Pour dire : « Puisque vous
ne voulez pas de mes textes, eh bien ! c’est moi qui vais les
chanter. » Le départ se fait au Théâtre des 3
Baudets, un cabaret où Brassens et Brel et d’autres
étaient passés.
Yemloul Aziz